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  • Photo du rédacteurMathilde Lefebvre

Soy Boy, une marque éthique & queer

Dernière mise à jour : 23 nov. 2023

C'est en octobre, lors d'une journée pluvieuse, que l’on a rencontré Nico autour d’une petite tasse de thé. Nous avons discuté de Soy Boy, sa marque de vêtements et d’accessoires, de sa vision de la mode et de la communauté queer lilloise dont il fait partie.

Harnais en faux cuir bleu ciel porté par André


M : Peux-tu te présenter, ainsi que ta marque ?


N : Moi c’est Nico, j’ai 28 ans et je vis à Lille. Je suis sorti des Beaux-Arts de Valenciennes en 2022. À cette époque, mon travail tournait autour du textile, de la virilité et de l’homoérotisme.


Je me suis alors penché sur la persistance du modèle viriliste comme image hégémonique de la masculinité.

Ces recherches ont été menées depuis mon point de vue de mec cis* gay, mais aussi de manière plus globale via les fantasmes et les représentations qui influencent et imprègnent nos sociétés.

Pour mon projet de diplôme, j’ai créé des vêtements et des accessoires faisant écho aux archétypes de la virilité. J’en suis notamment venu à fabriquer des harnais, activité que j’ai développée par la suite dans le cadre de ma marque.

Soy Boy est une marque d’accessoires et de vêtements upcyclés et véganes. J’utilise exclusivement des matières de récupération, sans produits d’origine animale : faux cuir, chambre à air, matelas gonflable, bâche de camion et autres rebuts des industries glanés ici et là…


M : Que signifie le nom de ta marque ?


N : Soy boy (garçon soja) est une insulte masculiniste américaine. Elle désigne tous les hommes qui ne peuvent pas être de vrais mecs : ceux qui ne sont pas assez virils, trop féministes, trop pédés, végétariens et vegans, évidemment frêles comme des pousses de soja puisqu’ils ne mangent pas de viande…


Comme je représente toutes ces masculinités dites déviantes, je me suis réapproprié le stigmate.

Ça a commencé avec un spot publicitaire satirique que j’ai réalisé aux Beaux-Arts dans lequel j'incarne le personnage du soy boy, un cow-boy 2.0 qui fait la promotion d’un lait de soja de manière très suggestive et débunke les idées reçues autour de cette insulte. Par la suite, Soy Boy est devenu le nom de ma marque d’accessoires et de vêtements. Elle véhicule des valeurs résolument queer, féministes et antispécistes. Je me dis que si une marque peut sensibiliser sur les questions d’oppressions systémiques liées à la virilité et à la masculinité toxique, c’est une bonne chose.


Chaps western en matelas gonflable et PVC transparent dans le spot publicitaire From Cow-Boy to Soy-Boy (2021).


M : Est ce que tu envisages le harnais comme un accessoire ?


N : Je considère le harnais autant comme un accessoire ornemental qu’utilitaire. Pour le moment, je développe une gamme assez légère et délicate, semblable à des bijoux, qu’on pourrait qualifier d’expérimentale, avec des matériaux et des techniques d’assemblage auxquels on ne s’attend pas forcément ; et une autre, de fabrication plus classique, qui rend le harnais plus solide, résistant à la traction, qui peut être utilisé lors de rapports sexuels par exemple.


M : Comment penses-tu le lien avec la communauté BDSM ?


N : Dans le cadre de mes recherches aux Beaux Arts, je me suis intéressé aux pratiques BDSM qui performent et déconstruisent les rapports de domination sous forme de jeux érotiques et sexuels consentis.


Je me suis rendu compte que cette communauté était souvent diabolisée par le grand public et figée dans ses représentations.

J’espère proposer des accessoires qui vont au-delà de ces images via mon univers.


Harnais en PVC transparent avec pressions rose porté par Lazare


M : Comment gères-tu les différentes morphologies de corps que tu accessoirises ?


N : J’essaye de proposer des produits qui soient le plus inclusifs possible. En terme de taille, j’ai une gamme de harnais réglables allant du XS au XXL et je fais également des créations sur-mesure selon les envies des personnes qui passent commande.


M : Comment fixes-tu les prix de tes créations ?


N : Je cherche à trouver le juste prix entre ce que les personnes sont en mesure de mettre pour tel objet et le temps que je passe à le confectionner, tout en prenant en compte le prix des matières premières et de la mercerie. Même si c’est des matières que je récupère parfois gratuitement, c’est souvent long à traiter et à travailler, surtout quand elles sont usagées. Par exemple, la chambre à air est une matière qui demande beaucoup de temps et de savoir-faire pour être nettoyée et découpée.

Je regarde aussi les prix qui se pratiquent dans le commerce traditionnel et essaye de m’adapter même si les produits manufacturés sont bien trop compétitifs. Mon public n’est pas forcément aisé, mais je pense qu’il fait le choix de valoriser un travail artisanal, local et unique.


M : Est-ce que tu arrives à en vivre ?


N : Pour l’instant, non. C’est très variable selon les marchés que l’on me propose ou pour lesquels je candidate et les commandes qu’on me fait. Avec le lancement prochain de ma boutique en ligne, j’aimerai pouvoir pérenniser mon activité et en vivre pleinement.


M : As-tu déjà démarché des boutiques physiques pour vendre ce que tu fais ?


N : Oui mais je n’ai pas encore trouvé le bon endroit. Les boutiques que j’ai contacté demandent un pourcentage très élevé sur les ventes et j’ai été confronté à une forme de censure sur certains produits comme les harnais…


Ensemble short et débardeur en coton résillé porté par David.


M : Comment définirais-tu ta clientèle ?


N : Ma clientèle est principalement composée de personnes de la communauté queer.


C’est avec les personnes LGBTQIA+ que j’aime travailler et avec qui je trouve que mon travail fait le plus sens.

Cependant, j’ai certains produits comme des portefeuilles, des bananes, des sacoches que je destine à un public plus large. Globalement ma marque est destinée à un public qui soutient des valeurs progressistes.


M : Est-ce que tu as d’autres projets ?


N : J'aimerais développer une gamme de sous-vêtements. J’ai commencé à faire des prototypes de jockstrap*, sous-vêtement ouvert sur l’arrière, initialement utilisé pour le maintien des bourses dans le sport mais aussi détourné par la communauté gay pour son look suggestif. Je travaille à les rendre inclusifs et les adapter pour les personnes à vulve.

Après avoir cousu un ensemble short et débardeur, l’idée de développer une gamme de vêtements reste dans un coin de ma tête.

J’ai récemment eu une commande d’accessoires pour un look de drag et j'aimerais beaucoup faire des collaborations avec des drags afin de se visibiliser mutuellement.


M : Est-ce que qu’il y a des endroits ou l’on peut te retrouver bientôt ?


N : Le mois de décembre va être chargé ! Ça commence dès le vendredi 1er décembre à La Griffe (37 rue des Postes à Lille) où je ferais un pop up avec mes créations dans le cadre d’une soirée organisée par la DJ Gegen Rustine et le collectif Sortie de Secours. Retrouvez-moi aussi le samedi 2 décembre à Arkose (75 rue des Postes à Lille) pour un marché de noël organisé par Tatata Broderie. Le dimanche 3 décembre pour le marché de noël de La Fosse Commune (46 rue Louis Blanc à Hellemmes). Et enfin le samedi 16 décembre au Mother (29 Bd Jean-Baptiste Lebas à Lille) pour le Queer Market de Pinky et Darky !


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Le mot de la rédaction : Merci à Nico de nous avoir accordé son temps et de nous avoir laissé·es entrer dans son univers avec confiance. Si ça vous a donné envie d’aller voir son travail ou de lui commander une pièce n’hésitez pas à aller sur son compte Instagram.

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