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  • Photo du rédacteurMarthe Girveau

Un collectif géré par et pour les personnes queers racisé·es

Le vent souffle fort dans notre région nordique mais ne sème pas pour autant l’inclusivité à tous les endroits. En d’autres termes : malgré une communauté LGBTQ+ très présente dans la ville, la scène lilloise manque cruellement d'événements et de lieux dédiés aux personnes queers et racisées. Mais heureusement, l’histoire ne s’arrête pas là. L'arrivée d'un collectif pionnier secoue la scène locale en offrant une alternative. Cette alternative, c’est celle des rencontres itinérantes en non-mixité entre personnes queer et racisées organisées par le collectif Queers Racisé·es Lille.


Cette semaine, on vous propose de partir à la rencontre du collectif et de ses membres pour faire le bilan de cette première année écoulée, mais aussi pour se projeter dans l’avenir de cette jeune équipe qui vient combler un manque important dans la métropole lilloise et qui clame, avec justesse, que les sociabilités sont ce qui nous tient et qu’exister, parfois simplement, nécessite beaucoup plus de force qu’on ne l’imagine. L’occasion aussi de faire le point sur la notion de non-mixité, grand débat souvent incompris et mal interprété par ceux qui n’en ressentent (forcément) pas le besoin.


M : Pouvez-vous nous présenter le collectif ?


Elio : Le collectif est composé de Valentine, Lae et moi-même. Pour la petite histoire, le projet est né il y a un an de ça, suite à un tweet de Lae, dans lequel elle demandait s’il y avait des choses à faire sur la métropole en tant que personne queer et racisée. Au même moment, je postais un tweet similaire. On avait tous·tes les deux mis quelque chose comme… “On aimerait bien sortir dans des endroits queers et racisés à Lille”. On pointait ce manque-là, cette absence de lieux et d’évènements queers et racisés. C’est clairement l’essence du collectif, c’est ce manque-là. S’ensuit un second tweet de Lae qui prend la température au sujet de la création d’un collectif queer et racisé.



Elio : Suite à ça et aux réactions générées par cette publication, on a décidé de se rencontrer pour parler de ce qu’on pouvait créer, mettre en place, imaginer… Très vite, on s'est entendu sur la nature du collectif. Le premier événement qu’on a fait se déroulait 15 jours plus tard.


Valentine : Peu à peu, on a commencé à faire d’autres évènements : rencontres, après-midi au musée, sortie au Lokarria, pique-nique lors de la pride…


M : Être queer et racisé à Lille, comment ça se passe ?


Elio : Pour moi, être queer et racisé·e sur la métropole, c’est quelque chose qui devrait être célébré et mis en avant. Au final, comme vous vous en doutez, il n’y a juste rien pour nous. La solitude est très présente. La plupart du temps, tu vas à des évènements queer et tu te retrouves avec une grande majorité de personnes blanches, donc tu n’as pas la représentation nécessaire. De plus, tu peux toujours potentiellement te retrouver face à un comportement raciste.

Valentine : J’ai d’ailleurs quelque chose à raconter à ce sujet, qui me tient à cœur. En gros, on était avec un ami à la Pride. Et, au fur et à mesure de la marche, plusieurs personnes se sont permis de toucher son afro, sans lui demander la permission. C’est quand même lunaire. C’est peut-être juste une anecdote mais, je la pose. Le problème est là, dans la MEL, on peut peut-être trouver son compte quand on est queer, mais queer tout court. Pas queer et racisé. Et, il faut le rappeler, faire partie de la communauté LGBT+ n’empêche pas d’être raciste.


Elio : Tu peux aller dans des soirées pour les personnes racisées, avec le risque d’être confronté à des comportements homophobes, comme partout. Et tu peux aller dans une soirée queer, avec le risque d’être confronté à des comportements racistes. T’es vraiment là, avec l’impression de devoir choisir un camp, ce qui fait grandir l’impression de solitude.

On est beaucoup alors il pourrait y avoir des opportunités hyper sympas, l’occasion de créer une communauté. Malheureusement, les choses se font lentement et ça n’existe pas encore, tout du moins, pas avant qu’on mette en place le collectif.


M : Donc, Lille ne possède a proprement parler aucun lieu de sociabilités queer et racisés. Est-ce qu’historiquement il y a déjà eu des lieux, ou bien des collectifs / associations qui ont organisé ce type d’évènements ?


Valentine : On en a jamais entendu parler pour la simple et bonne raison que ça n’existe pas. Ou alors, en souterrain, très discrètement, et si c’est ça, c’est super dommage. Et, j’ai eu cette discussion lors d’une interview à ce sujet et… Je pense que le problème c’est qu’en tant que personne racisée et queer il est sans doute plus compliqué de s’affirmer et de s’assumer et par conséquent de créer par soi-même. Le manque d’initiative est peut-être du au fait que la double casquette queer & racisé est dure à porter. Et l’exposition aux autres ou à la famille n’est pas la même.


M : Dans la section "Les Grenades" du média belge RTBF, Le collectif féministe bruxellois queer racisé·e Imazi.Reine parle des moments en non-mixité comme d’« un outil de survie et de bien-être », diriez-vous la même chose ?


Elio : Survie je ne sais pas… Quoique oui, dans une certaine mesure. Le manque de sociabilités et l’absence de relation avec des personnes comme toi peut générer une très grande solitude, donc c’est peut-être un terme fort mais je comprends très bien pourquoi iels l’ont utilisé·es. Et bien-être, carrément. Partager son vécu et être avec des personnes qui te ressemblent contribue forcément au bien-être.


M : Plus largement, les débats autour de la non-mixité en France sont très souvent houleux. Selon vous pourquoi est-ce un sujet qui froisse autant ?


Valentine : Parce qu’ils ne veulent pas nous lâcher la veste (rire). Plus sérieusement, le vrai problème c’est que ces gens-là assimilent la non-mixité au communautarisme. Mais prenons les choses dans l’autre sens, le “communautarisme” c’est simplement la conséquence du racisme ou d’autres discriminations. Ce besoin de se retrouver entre nous découle du fait qu’on ne se sent pas en sécurité. C’est là que se pose la question de “survie”.


Selon vous, pourquoi ce mode de réunion / de sociabilité / de rencontre est-il important ? Est-ce que vous le percevez comme un endroit de luttes, de pouvoir, une safe place…


Elio : Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une question de pouvoir. Ne pas s’effacer. Ça sert à s’affirmer, à se réaffirmer. On est là, on existe et on mérite simplement d’avoir la même place que tout le monde. On ne devrait pas se cacher. C’est pour ça que c’est important de se rassembler, pour reprendre des forces, en étant simplement ensembles. Il s’agit de rééquilibrer plus que de prendre le pouvoir.


M : Cette année particulièrement, la non-mixité fait débat, certains médias ont notamment critiqué la création d’un cortège en non-mixité queer racisé à la Pride de Lyon ? Comment percevez-vous ces réactions et que leur répondez-vous ?


Valentine : Ils ont du temps à perdre. On leur répond : “pourquoi ?”. On cherche constamment à nous invisibiliser, à nous faire disparaître, alors qu’on est beaucoup.


Elio : De plus, je ne vois pas pourquoi il n’y aurait qu’un seul type de personnes LGBTQ+ représenté. Ça ne devrait pas poser question. Les gens veulent voir la communauté LGBTQ+ comme un grand truc de bisounours, alors que la communauté est clairement divisée et on y retrouve un véritable système de domination.


Valentine : C’est sûr que c’est dommage de devoir créer des cortèges pour nous. C’est qu’au sein de la communauté on est mal représenté·es et surtout mal accepté·es.


Elio : On connaît d’ailleurs quelqu’un qui a intégré l’organisation de la Pride à Paris et qui s’est rapidement retrouvé confronté au fait que, sa parole avait très peu de poids. C’était une des seules personnes racisées de l’orga.


M : C’est dommage de créer des cortèges queers et racisés ?


Valentine : Dans le sens ou c’est dommage d’en arriver là pour qu’on puisse défiler en ayant la sensation d’être en sécurité. Le mot sécurité est peut-être fort. Je reviens sur l’histoire de tout à l’heure. Mais quand des personnes blanches se permettent à plusieurs reprises de venir mettre la main dans tes cheveux…


Elio : c’est une dinguerie…


Val : D’un côté, c’est finalement pas dommage, mais plutôt nécessaire si on le réfléchit comme ça, d’avoir cet espace-là.


M : Concernant le Pride, pensez-vous qu’on puisse envisager la création d’un cortège queer et racisé à Lille, l’année prochaine par exemple?


Valentine : On nous l’a beaucoup suggéré. Ce serait beaucoup trop cool de pouvoir mettre ça en place. Il faut dire qu’on a mille idées, mais il y a beaucoup de freins logistiques qui entrent en jeu.


Elio : Effectivement, l’organisation prend beaucoup de temps, et pour la plupart on a soit déjà un travail soit des études, soit les deux. Donc on fait des choix.


Valentine : On organise des évènements à notre échelle mais on exclut pas du tout l’idée du cortège.


M : Est-ce que, in fine, sur le même modèle que certains collectifs émergents, vous imaginez organiser de plus grands évènements en non-mixité, sans hommes cis-hétéro et sans personnes blanches ? Comme des soirées par exemple ? Ou bien est-ce que le collectif est voué à rester sur un modèle de rencontres, à petite échelle ?


Valentine : Oui, l’objectif là c’est de lancer la première soirée queer et racisée, le 6 juillet au Tcha-Tcha, pour les 1 an du collectif. Pour la petite histoire, il s’agit du premier bar qui a commencé à nous suivre sur Instagram. C’est tout bête, mais pour un collectif comme le nôtre, quand on nous follow c’est qu’il y a une raison. Alors on les a contactés et voilà. On cherche d’ailleurs un·e DJ, mais on ne roule pas sur l’or. On a donc lancé une cagnotte en ligne pour rémunérer l’artiste à juste titre. Pour le reste, on aimerait voir plus grand, mais il faut jouer avec la réalité.


M : La soirée rêvée, elle se passe comment ?


Elio : Ahah. S'il y avait au moins 50 personnes ce serait extraordinaire. D’un événement à un autre il y a plus ou moins de personnes. Là, l’idée serait de faire se rencontrer un maximum de personnes. Si ça plaît, on recommencera et on verra peut-être les choses en un peu plus grand.


Valentine : J’ai l’impression, que pour la première soirée, peu importe le nombre de personne, ça plaira!


Elio : Le but ultime, c’est que les gens se sentent bien, qu'ils s'amusent et qu’ils aient envie de revivre l'expérience.


À bientôt chez hors cadre média,

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